Dessins humoristiques

Comté moisi

Puisque ma tablette, mon stylet et mes personnages ne m’inspirent pas beaucoup ces derniers temps, je vais les laisser prendre la poussière en attendant que je les re-aime. Etonnant ce rapport avec l’expression artistique que j’entretiens…J’ai pensé à peindre mais la préparation de l’atelier se confronte à ma paresse. Il faudrait que j’étale un drap par terre, que je m’accroupisse pour y poser mes pinceaux, que je trouve des récipients à peinture, que j’ouvre donc mes placards et que je me rende compte qu’ils sont mal rangés…Et si j’arrivais à passer tous ces obstacles, après avoir peint, il faudrait…

J’ai pensé à sculpter. J’y ai juste pensé. J’ai pensé à écrire. Me mets donc au clavier. Pas salissant, toujours à la même place. Faut juste que je trouve une histoire…

C’est donc l’histoire d’un petit bout de fromage qui moisit dans un frigo. On ne le mange pas parce que personne ne se rappelle qu’il est là. Et il sait que si on le trouve, on ne pourra pas le manger puisqu’il est moisi. Il préfère de loin rester au frais à ralentir sa fin proche que de se retrouver dans une poubelle à mourir plus vite. Il sait aussi que les champignons qui le rongent lui donnent une couleur plus voyante dans le frigo que ses acolytes encore dans la DLC…Il n’a pas de concurrents verdoyants à coté de lui. La maitresse de maison n’aime pas le Roquefort.

Pourtant, ses champignons lui en donnent l’aspect. Tacheté d’un duvet vert bouteille, il aurait pu à ce stade de moisissure, passer pour un bleu. Il craint donc de se faire trop remarquer.

Il réfléchit, le comté pourri et il a un atout sur la maitresse de maison : il sait qu’elle ne range ni placards, ni frigo. Il décide alors de se blottir tout au fond de son étagère pour se coller à la plaque – forcément – déjà givrée. Il prendra alors la couleur de la glace et passera inaperçu pendant son hibernation. Avant que la maitresse de maison ne s’en aperçoive, il y sera tellement collé qu’elle aura la flemme de gratter…Il mise donc sur un effet psychologique, sachant par ailleurs, que Madame n’a plus de psy.

Mais c’était sans compter sur un événement de la vie de cette maitresse de maison. Madame tomba amoureuse et invita un monsieur à la maison.

Celle-qui-n’aime-pas-manger-du-Roquefort-parce-que-ca-fait-puer-de-la-gueule mit alors toute sa maison en branle pour…la ranger. Placards et frigo compris, au cas où le Monsieur veuille la baiser sur une étagère ou devant un frigo ouvert…« Elle est pas con celle la ? » pensa le comté, dégoûté qu’un étranger change les habitudes de Madame et par conséquent de tous les acariens, boules de poussière, vêtements et fromages de la maison…

Mais devant le grand ménage qui se préparait, notre petit bout de moisi s’étonna aussi de la colère générale qui grognait dans le frigo : il n’était pas le seul à être bon à jeter et tomates, beurre, saucisson, yaourts commencèrent un complot pour éviter le sort de la poubelle. L’idée était que tout le monde pousse sur la porte pour qu’elle reste ouverte. Le givre prendrait donc sa place dans tout l’habitacle et le chantier serait tellement énorme, que la fainéantise de Madame aurait raison de ses amours. En espérant que « ses amours » ne soient pas des plus emportés, transformant son poil dans la main en un balai. Les paris étaient lancés.

La porte resta ouverte toute une journée. Madame la referma plus d’une fois en râlant avec son Ajax et ses gants. La chaleur était celle d’un été et les chocs thermiques s’en donnaient à cœur joie entre l’intérieur et l’extérieur de la machine. Le givre prenait place. Madame avait tant de travail à faire qu’elle repoussait sans cesse le chantier du frigo et au fil des heures, la perspective de le nettoyer, s’amenuisait.

Elle devait encore se préparer, se brusher, se maquiller, s’habiller (donc retrouver sa robe préférée et la repasser)…La journée passait trop vite pour une négligée du ménage et le rencard était déjà là – dépoussiéré – devant la porte – dépoussiérée – avec une bouteille de champagne.

Madame accueilli son amant en le remerciant de son cadeau…Et autant elle que les habitants du frigo, espéraient que le champagne soit déjà frais. 

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