Après un séjour ardéchois, j’ai le privilège de découvrir la Corrèze…Comme c’est doux. Ces vaches, ces fromages, ces bois. Et au milieu de cette ruralité, il y a des gens. Y’a des ruraux. Des gens qui se curent les dents avec l’annulaire. Mais pas que. Il y a mon chéri.
Il est joli pourtant. Il a un beau sourire et plein de jolies fossettes. En ville, il est si beau, grand et fort. Il a tant de classe quand il déambule dans les rues. Il est si drôle. Si capable d’intellectualité. Pourquoi, alors, se transforme t il dans ce pays aux mille vaches ? Pourquoi lui aussi, a-t-il besoin de fourrer son petit doigt dans sa bouche pour choper le dernier bout de barbaque ? Qu’a fait la Corrèze à mon chéri ?
Parce que je l’ai vu, là, tout à l’heure en plein repas, devant moi, transformer son visage pour élargir sa bouche et permettre à ses doigts d’attraper l’intrus. J’ai cru qu’il allait s’arracher une dent, se déchirer les joues et qu’il était devenu un homme chewing-gum. Comme le héros de BD qui devient élastique quand il se sent en danger. J’aurais tellement préféré qu’il soit Iron Man ce soir, à table…Mais je n’y ai Paltrow eu droit. (Mua haha !)
Son visage a fait des grimaces prodigieuses, donc, dignes de monstres de cirque. Il est souple en fait…de la peau, certes. Comme si la génétique avait prévu pour son crâne plus de peau que son squelette le permet. Une élasticité épidermique hors du commun, il a. Et je ne le savais pas. Puis ses yeux se sont mis à rouler d’un coté à l’autre comme si ses orbites cherchaient à voir à l’intérieur de sa bouche. Ses yeux, devenus globuleux, étaient des guides pour ses phalanges. Mais aucun de ses membres n’arrivaient, a priori, à voir et sentir où était précisément le morceau de bidoche coincé. Mon chéri était habité par un aliment de trop et tout son corps avait décidé de lui faire la peau.
Je n’ai même pas su si l’intrus était attrapé. Je n’ai rien vu sur le bout des ongles ressortir. En fait, son combat ne m’intéressait pas. C’était autre chose qui me troublait. Et c’est en écrivant que j’ai compris.
Ce qui m’a choquée, c’est que pas un instant, pendant sa pêche, il ne m’a regardée. Comme si, sa quête, faite juste devant moi, était légitime. Pas une excuse du regard pour me dire « je sais que je dois continuellement te séduire mais là, tout de suite maintenant, je ne suis qu’un animal. Pardonne moi ». Ça y est, donc, sommes un vieux couple. Corrézien de surcroît. Nous entrons dans l’intimité corporelle de chacun. Fini le temps de chercher discrètement, comme un drogué en manque, un petit bâton, un petit bout de papier, pour faire office de cure dent. Les doigts, au bout de 6 mois de relation, peuvent prendre le relais.
Quand je repense à nos tous premiers dîners où on attendait, si un aliment était coincé par des molaires trop espacées, que l’Autre tourne sa tête pour retirer le bout de gras, de nerf, de pomme…
Alors, puisque ainsi va la vie, demain, je lui chercherai quelques points noirs et boutons à éclater entre la nuque, le dos et le nez…Juste avant de faire pipi porte ouverte. Juste avant de lui montrer que mes doigts à moi, n’ayant pas les chicos écartées, me servent pour me curer le nez. Juste avant de peter. Juste avant de le quitter.
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