Tiens, ça fait longtemps que j’ai pas écrit, écris-je. Tiens, ça fait douze ans que je suis maman et que je sais pourquoi et comment.
Je guide. J’aide à comprendre le monde. Je transmets ce qui me parait juste. Je console. Je câline. enfin, je guidais, j’aidais, je transmettais, consolais, câlinais…
Ça s’est arrêté. Tout d’un coup.
Je suis désormais une anti ado aux yeux de mon pro ado. Je dérange quoi que je fasse, dise, suggère. Tout est prêt d’avance dans la bouche de l’ado : non-c’est nul-vais-m’ennuyer-ça-sert-à-rien-pourquoi-faire-pas-envie-laisse-moi-y’a-pu-d’coca. Bien…Va falloir s’acclimater à une météo des plus improbable, illogique, incontrôlable, dénuée de sens. A mon tour de dire que c’est trop nul.
Mon ado vit ce qu’il doit vivre, mais moi ? Moi je vis l’injustice, le déchirement, l’incompréhension. Moi je m’en fous de sa crise, de ses hormones et de son manque de gel. Moi j’ai pondu pour câliner, pour bisouter, pour prendre la main, pour déconner, critiquer gratos le monde et faire croire à tout ce que je crois et imagine. Quel choc de se voir dévaluer. Mon ado est chez moi mais il est déjà parti sans pouvoir partir. Sans ranger aussi. C’est dégueulasse. Lui si jeune et moi, si pas prête.
J’ai pensé, pour combler le manque de maternage que j’envisage des plus terrible, à investir à fond l’homme que j’aime. Mais in fine, si je fais pareil qu’avec fiston, le chéri partira aussi…Pis faire l’amour à sa mère ne donne plus envie de baiser. Et moi, baiser mon fils, me perturbera, j’en suis sûre.
Ça devait pourtant être si simple : tu grandis mon fils, tu veux plus de libertés ? Je vais t’apprendre à être plus grand et plus libre. Tout était prévu : analyse, synthèse, négociations, adaptation des deux parties et signature de contrats familiaux. Mais ça va quand même trop vite.
L’ado signe un contrat. Contrat qui va durer deux jours. Deux jours de repos pour vous après trois semaines de négociations. L’ado sait que le contrat ne va pas durer. Pas vous – C’est dailleurs bien pour ça que vous arrivez à vous reposer – Deux jours après, il est déjà parti sur autre chose : une amoureuse qui débarque dans son téléphone tous les soirs ou un dégoût soudain pour des vacances à la plage.
Argument : à la plage, ya du sable et pas mon amoureuse. Renégociations.
Jamais ça ne s’arrête un ado ? Jamais ça dit et fait des choses que l’on peut un tout petit peu prévoir ? C’est quoi l’intérêt pour nous, parents ? Même quand on va dans leur sens et respectons leurs revendications, on est classé au rang des nuls.
C’est pourtant ça qui est incroyablement nul. Ça sert à rien ! Pourquoi-faire-pas-envie-laissez-moi ! Comment ça y’a pu d’rosé ?
Sa crise, je l’emmerde. J’ai placardé sur mes murs les photos de lui, mon bébé, quand il avait un, puis deux, puis trois ans, pour ne pas oublier qu’il m’a aimée. Et que je l’ai aimé. Et que je ne dois pas l’attraper et le coller lui aussi contre ces murs, sur ces photos, en le cognant.
Pour me détendre, me suis remise de plus belle à la gymnastique, avec Gym Direct sur la D8. Sandrine Arzicet, prof virtuelle, me relaxe. Elle ne me muscle pas vu ses deux de tensions, mais son manque de rythmique et sa voix monocorde, me rassurent. Mais la v’la enceinte. Elle fait donc des exercices pour femme enceinte. Que je fais. Nous sommes passés de deux à un de tension. Suis encore plus détendue et encore plus grosse donc.
Mais je me demande si cette masse graisseuse qui se développe et qui enveloppe mon corps, ne servirait pas à protéger mon petit cœur de maman ? Peut être que plus mon cœur sera entouré, plus il résistera aux attaques que mon ex bébé m’inflige ? Et peut être que plus je résisterai, plus je pourrais pousser l’ado à torcher sa crise au plus vite ?
Je vais bien trouver une solution. Comme demander à D8 de faire des cours de gym pour mamans d’ados. Histoire que je me prépare à accoucher d’un homme. Dans 8 ans. Même si le travail a déjà commencé.
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